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LA CULTURE DE LA DIASPORA: ENTRE PAYS D'ACCUEIL ET PAYS D'ORIGINE
du Mardi 10/03/2009 à 16:41
publiée par Giltem NZAMBE

LA CULTURE DE LA DIASPORA : ENTRE MIGRATION ET INTEGRATION


De nos jours, presque tous les pays du monde ont leur diaspora à l’étranger. Le concept de diaspora se définit comme l’ensemble de ressortissants d’un pays qui s’établit de manière durable en dehors de frontières territoriales d’origine et entretenant de relations avec les compatriotes restés en terroir ancestral. L’existence d’une diaspora suppose qu’il y ait avant tout une migration volontaire ou forcée d’une population, qui soit significative et visible aussi bien statistiquement que socialement, que cette population soit localisée et dispersée dans l’espace et dans le temps et qu’elle soit en relation directe ou indirecte avec la population d’origine.

Dans les lignes qui suivent, je me propose de soutenir l’idée que, —bien que mue par la volonté de réussir en pays d’accueil—, le succès d’une communauté d’immigrés, c’est-à-dire la diaspora, tient à la fois à la conjugaison des valeurs du pays d’accueil que de celles du pays d’origine ou de la communauté d’appartenance. Qu’ils s’agissent de la diaspora Bomboma tant dans les autres villes et territoires de la RD Congo (diaspora intra-nationale) qu’à l’étranger (diaspora extra-nationale), ou même d’autres diasporas nationales, la logique de la réussite sera la même : la conjugaison de la migration (ad intra et ad extra) avec l’intégration.


1. LA MIGRATION: UNE VIELLE PRATIQUE HUMAINE

Parmi les activités les plus anciennes et toujours actuelles de l’humanité, la migration en est une. Elle n’est pas le propre de l’homme, car les animaux et les autres êtres de la nature connaissent à leur façon la migration. Si les animaux le font par nécessité, un peu comme les hommes, les végétaux connaissent passivement le processus de leur migration soit par la ventilation, soit par les oiseaux et les animaux qui les essaiment et facilitent ainsi le processus de leur pollinisation. Quant à l’homme, en tant qu’un être bipède, il s’est toujours déplacé dès qu’il a appris à marcher, soit par nécessité, soit par plaisir pour découvrir le « plus grand livre du monde ». Ainsi la migration humaine vise soit à satisfaire les besoins élémentaires de la vie : chercher la nourriture, visiter ses semblables, chercher de l’emploi… soit, par goût de risque, à assouvir la curiosité de l’homme en allant à la découverte des contrées lointaines.

Cela dit, j’entends par « migration » l’action de mise en mouvement volontaire ou non d’un point de départ A vers un point d’arrivé B. A représente le lieu - point d’émigration et B le lieu - point d’immigration ou d’aboutissement qui peut être temporaire ou définitif. Un migrant peut décider de s’installer durablement dans son lieu d’accueil mais il peut aussi continuer sa migration ailleurs. Tout comme il peut revenir chez lui comme c’est le cas actuellement des migrants juifs, arméniens… qui réintègrent le pays ancestral, après des siècles ou de décennies de pérégrinations. La migration peut être interne lorsqu’elle concerne le déplacement d’individus ou d’une population à l’intérieur d’un territoire. En ce sens, on peut parler de migration intra-nationale. En RDC, la déportation et la relégation des adeptes du Prophète Simon Kimbangu, en 1921, dans les provinces congolaises autres que le Bas-Congo constituent un exemple de cette migration à l’intérieur des frontières nationales. Il y a aussi le cas d’exode de la population rurale en vue de l’établissement dans les villes et surtout dans la Capitale. Le cas de la RDCongo est remarquable d’autant que sur une population actuelle de 65.000.000, il y aurait près de 8 à 9 millions d’habitants à Kinshasa, soit un congolais sur sept ou sur huit est Kinois, c'est-à-dire pas moins de 12% de Congolais sont Kinois. C’est dire à quel niveau le dépeuplement de l’arrière pays est non seulement désolant mais traduit le manque de volonté politique qui a longtemps prévalu dans le pays notamment en n’enclenchant pas une dynamique susceptible de permettre aux entités provinciales et locales d’être autant génératrices que bénéficiaires des richesses produites localement. Ainsi est né le provincialisme en tant qu’une stratégie d’aménagement du territoire depuis le colonialisme jusqu’aujourd’hui. La stratégie provincialiste résulte du colonialisme qui a toujours cherché à établir la différence entre le centre et la périphérie, entre la ville et les villages, entre l’Occident et le Tiers ou quart monde. Il y a d’un côté le lieu où se concentrent toutes les richesses et de l’autre le grenier ou le réservoir des matières premières et de la main-d’œuvre.

Au nom de quoi, la capitale d’un pays, par exemple Kinshasa, doit être considérée comme son miroir ? Et non pas Zongo, Goma, Matadi, Ikela, Kata Kokombe, Likasi, Inongo…Le fait qu’une ville soit la Capitale du pays ne justifie pas de priver l’arrière pays des facilités de la modernité. Dommage que les Congolais de la Diaspora qui voient comment les villes provinciales occidentales n’ont rien à envier aux métropoles, oublient, dès qu’ils sont responsables dans leur pays, d’impulser la dynamique de la décentralisation et de la modernisation de nos villages. La preuve est que presque les ¾ de ceux qui rentrent au pays préfèrent résider et travailler à Kinshasa, au lieu d’aller enrichir les villages et les villes de province de leur expérience acquise à l’étranger. Je pense que toute ville ou tout territoire devrait être le miroir du pays entier parce que c’est dans la somme des toutes les parties que se constitue le pays en tant que totalité territoriale et démographique, si bien que lorsqu’une portion de l’espace national est envahie par les étrangers, c’est l’intégrité du territoire national qui en pâtit. En d’autres termes, toutes les parties du territoire devraient bénéficier équitablement de la répartition des richesses nationales pour que le paysan soit fier de vivre dans sa campagne et que les citadins n’envisagent pas de s’expatrier pour chercher le bonheur ailleurs, notamment en Occident Telle est la condition des citadins des métropoles africaines obligées de les quitter pour les pays du Nord dont on leur fait rêver les facilités et l’abondance matérielle.. Pourtant, on aurait tout intérêt à s’inspirer du phénomène des « néoruraux » en Occident. Il s’agit du retour des citadins dans les campagnes pour y passer leur retraite professionnelle.


2. DE L'IMMIGRATION A LA CULTURE DE LA DIASPORA

Si la migration des populations à l’intérieur des frontières nationales ne pose presque pas de problème, sauf pour le cas de déportation forcée, celle qui conduit émigrer, quitter son pays, pour immigrer dans un autre est source de beaucoup de difficultés aussi bien pour le candidat à l’immigration que pour le pays d’accueil et aussi pour celui d’origine. En effet, bien que mû par la quête du pays de cocagne, l’immigré ne sait pas que tout peut lui arriver, le meilleur comme le pire mais il sait que « Dieu ne donne rien à celui qui reste couché », c’est-à-dire « aide-toi, le ciel t’aidera ! ».

Aujourd’hui, on avance la théorie d’une immigration choisie pour déclarer bienvenus dans l’hémisphère Nord les cadres et les hommes compétents dont l’Afrique, et les autres pays du Sud, ont besoin pour leur croissance. Ces immigrés compétents sont bien accueillis en Occident pour suppléer à la carence du personnel par exemple dans le domaine de la santé et de la technologie de pointe. En revanche, les migrants ayant moins de qualification sont indésirables en Occident parce qu’on ne sait qu’en faire. C’est ainsi que certains sont obligés de travailler au noir pour un maigre salaire ou même de s’occuper des travaux du type « bwaka nzoto », ce qu’on appelle les métiers durs, dangereux et dégoûtants (métiers ou profession DDD) car survie oblige !

Dans ce contexte naît pour les migrants une nouvelle culture, la culture de la diaspora. Elle est à cheval entre la culture d’origine et la culture du pays d’accueil. A défaut d’être la synthèse de deux cultures, elle constitue une culture syncrétique où les éléments de deux cultures se retrouvent selon l’usage qu’en font les immigrés. La culture de la diaspora ne se réduit pas en une simple nostalgie de la culture d’origine. Elle n’est même pas issue de la volonté de la sauvegarder mais elle résulte essentiellement de la confrontation et du brassage entre la culture de la communauté d’appartenance et la culture du terroir d’accueil. Il arrive qu’une diaspora se replie sur elle-même en tentant bon an mal an de valoriser la culture d’origine. Dans ce cas elle tombe dans le communautarisme qui rend difficile l’intégration des immigrés dans la grande communauté du pays d’accueil. Un autre cas de figure se présente lorsque les immigrés assimilent les valeurs de la société d’accueil. Si cette situation a l’avantage d’intégrer les immigrés dans leur deuxième pays, l’inconvénient est qu’ils sacrifient les valeurs de leur pays d’origine comme si tout n’y était que méprisable.

Comme on peut s’en rendre compte, l’immigration conduit tantôt à l’acculturation, tantôt à l’assimilation et, au pire, à la déculturation. Si l’acculturation est le phénomène d’enrichissement mutuel entre deux cultures ou dans le chef de l’immigré, l’assimilation et la déculturation sont des phénomènes à sens unique. D’un côté l’assimilé aliène ses origines culturelles et s’aliène lui-même mais sans pourtant se couper de siens. Et de l’autre, avec la déculturation c’est la destruction de la culture de l’immigré par la volonté libre ou forcée de rupture avec son héritage et ses origines. Ceci m’amène à amorcer maintenant une perspective de mise en dialogue de la culture d’origine avec la culture du pays d’accueil.


3. CE QUE DEVIENT LA CULTURE D'ORIGINE EN PAYS D'IMMIGRATION

Il n’est pas facile de définir le concept de culture d’origine car toute culture, fût-elle traditionnelle ou moderne évolue et se transforme. Il n’existe pas de culture statique dans mesure où à chaque rencontre des cultures se produit un processus d’acculturation. Les membres dominants ou culturellement dominés sont consciemment ou non influencés par la culture dominée ou dominante. S’il est vrai que la culture dominante s’enrichit de la culture dominée, ne serait-ce qu’au niveau de l’accroissement de son aire d’influence culturelle, la culture dominée, elle, risque de perdre son patrimoine valoriel dans le cas où la domination s’accompagne d’une évidente volonté de déculturation ou d’épuration culturelle. Certaines pratiques coloniales conduites aux fins de politiques assimilationnistes ont produit une certaine aliénation culturelle des colonisés par l’adoption inconsciente mais encore vivace des pratiques langagières et vestimentaires de la culture du colonisateur.

Revenons maintenant à la question de savoir ce que devient la culture d’origine des immigrés en pays d’accueil. En effet, ce que devient cette culture dépend d’abord de ce qu’en fait la diaspora censée porter cette culture mais aussi de la politique culturelle des pays tant d’émigration que d’immigration. Dans un pays d’immigration, comme le Canada, à titre d’exemple, où on promeut la politique de reconnaissance multiculturelle, lorsque une diaspora est minoriquement visible, elle peut revendiquer des subventions pour la promotion de valeurs culturelles de ses membres et donc du pays d’origine. En ce sens, les Congolais canadiens peuvent un jour créer une école des langues, de cultures et de musique congolaises aussi bien à l’intention de leurs enfants que pour faire connaître outre-Atlantique le patrimoine ethnoculturel congolais. D’autre part, lorsqu’un pays est conscient de l’importance de l’apport multiforme de sa diaspora, il peut contribuer aussi à l’encadrer en favorisant une collaboration pour débattre des questions d’importance nationale et aussi diasporique. C’est cela qui a conduit la présidence malienne à déclarer urbi et orbe que la diaspora malienne est l’une des provinces de la République du Mali tant pour son importance numérique que financière.

En outre, pour que la culture d’origine se maintienne en pays d’immigration, il faut sans doute une prise de conscience de la diaspora, elle-même, pour organiser des rencontres de fraternisation mais aussi de connaissance et de valorisation du patrimoine ethnoculturel d’origine. A cet égard, sont bienvenues la création des associations de la diaspora et aussi la fondation d’ « écoles du pays » ou de structures permettant l’apprentissage des valeurs du pays ancestral. En même temps, il faudra mettre en valeur les fêtes du pays d’origine pour vivre en symbiose ces rares occasions d’honorer les « bienfaiteurs » ( hommes-providence et héros) du pays et également organiser des séjours de vacances et de ressourcement culturel au pays des ancêtres. Quant les enfants d’immigrés n’ont pas appris de leurs parents à aimer le pays d’origine, et de le visiter, ils entretiendront de rapports distants avec tout ce qui leur rappelle le pays ancestral.

Pour terminer, il me semble qu’on peut faire un bon usage de la culture d’origine. Pour cela, je préconise que les parents Bomboma de la diaspora deviennent effectivement des premiers agents socialisateurs de leurs enfants. Il leur revient en premier lieu d’initier leurs enfants à l’amour du pays ancestral et à la connaissance de leur peuple, de leur histoire, de leur langue, de leurs croyances religieuses et pratiques diverses, de leur rapport au palmier et du lien avec le territoire d’origine. Lorsque les parents auront réussi à assurer l’enracinement de leurs enfants, l’école, et plus tard le travail, en tant que deuxième et troisième agents socialisateurs auront la tâche de les intégrer dans le pays d’accueil mais non sans amour du pays ancestral. A vrai dire, l’immigré ne peut s’intégrer que par l’école et/ou par le travail. Cela dit, entre l’immigré assimilé (ouvert à la seconde patrie), l’immigré communautaire (replié sur ses origines) et l’immigré intégré (qui fait la synthèse), C’est ce dernier qui a plus de chance de promouvoir la culture d’origine, parce qu’il a la volonté de s’intégrer dans la culture de son pays d’accueil mais sans renier les valeurs de son pays d’origine. L’exemple de la diaspora juive montre qu’un juif brésilien, américain, français, maghrébin, voire chinois….même s’il s’intègre bien dans son pays actuel n’est pas un juif de moins ; il n’oublie pas les valeurs multiséculaires de la judéité. Un Bomboma kinois, espagnol, britannique, français, belge, allemand…n’en serait pas moins Bomboma que ceux restés au pays ancestral, à condition de contribuer localement à la pérennisation du patrimoine ethnoculturel bomboma et à l’amélioration de la qualité de vie matérielle des compatriotes vivant sous les tropiques.

Gilbert Tembo (giltem@bomboma.org)
Paris, 10 mars 2009



 
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