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Politique en France : « Gilets jaunes » : « Un sentiment d’abandon de la petite classe moyenne »
du Lundi 19/11/2018 à 14:12
publiée par Maufranc Mongai

« Gilets jaunes » : « Un sentiment d’abandon de la petite classe moyenne »

La mobilisation continue après un week-end terni par la mort d’une manifestante en Savoie, un nombre important de blessés et d’arrestations.

Publié aujourd’hui à 11h46, mis à jour à 12h36

Après avoir réuni plus de 280 000 personnes samedi 17 novembre, des manifestants continuaient, lundi, à se mobiliser, et différents blocages étaient organisés un peu partout en France, notamment au niveau d’une dizaine de dépôts pétroliers. Notre journaliste Aline Leclerc, du service politique du Monde, qui a participé à la couverture de la mobilisation des « gilets jaunes », a répondu à vos questions sur les suites à en attendre.

Lire : « Gilets jaunes » : un bilan sécuritaire très contrasté

Patrick : Selon vous le mouvement prend de l’ampleur ou est-il en train de faiblir ?

C’est encore difficile à dire. Si l’on regarde le nombre de blocages et de manifestants, ils étaient beaucoup moins nombreux dimanche, et encore moins nombreux ce matin. En revanche, bien que moins nombreux, ils pourraient se faire plus stratégiques : ainsi depuis l’aube, des manifestants bloquent plusieurs dépôts pétroliers dans toute la France. C’est le cas notamment à Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône), à Verne-sur-Seiche (Ille-et-Vilaine), à Lespinasse, près de Toulouse, ou encore au port de La Pallice, à La Rochelle, selon un décompte de France Bleu. Le but étant d’avoir un impact économique.

Lire : Dépôts pétroliers bloqués, trafic perturbé… les « gilets jaunes » poursuivent leur mobilisation

Par ailleurs, la stratégie d’un blocage total, durable, n’était pas forcément la plus plébiscitée chez les « gilets jaunes ». D’une part parce que beaucoup travaillent et disaient ne pas pouvoir « se permettre » de ne pas travailler pendant une semaine. Et d’autre part parce que certains étaient récalcitrants à l’idée de bloquer en semaine des gens qui leur ressemblent, et ont besoin de circuler librement pour travailler ou aller chercher leurs enfants.

Ceux-là pourraient se retrouver samedi 24 novembre dans une nouvelle manifestation. L’appel diffusé hier sur Facebook propose que les « gilets jaunes » se retrouvent « tous à Paris » pour un acte II. On pourra, à ce moment-là, se rendre compte de la vigueur du mouvement.

Olympiades : Comment parler de bilan sécuritaire « contrasté » alors que pour la première fois depuis des années il y a eu un mort dans une manifestation (illégale) et des centaines de blessés ?

Vous avez raison, le bilan humain est exceptionnellement lourd avec une femme décédée en Savoie et quelque quatre cents blessés, dont quatorze gravement. Il y a eu également de nombreux incidents, souvent des accrochages avec des citoyens refusant d’être bloqués. Et la presse régionale évoque une agression homophobe et une agression islamophobe. Du côté des policiers, des gendarmes et des pompiers, le bilan est conséquent – au moins vingt-huit blessés dont plusieurs gravement –, alors même qu’il y a eu peu d’affrontements directs avec les manifestants.

Si l’on parle d’un bilan « contrasté », c’est aussi compte tenu des risques encourus du fait que la plupart des manifestations n’avaient pas été déclarées en préfecture, et étaient organisées par des amateurs, souvent néophytes des rassemblements, sans service d’ordre habitué à gérer ce type d’événement. C’est d’ailleurs sur l’un de ces blocages illégaux, et donc non sécurisé par la police, que l’accident entraînant la mort d’une manifestante en Savoie s’est déroulé. Le bilan aurait ainsi pu être encore plus lourd.

A Paris, par exemple, les manifestants ont pu s’engouffrer dans l’étroite rue du faubourg Saint-Honoré pour approcher le palais de l’Elysée, et ont été repoussés plusieurs fois par les CRS avec des lacrymogènes. Mais dans cette rue où se côtoient les grandes enseignes de luxe, aucun commerçant n’avait pris la précaution de protéger sa vitrine, comme on le voit souvent maintenant, sur le parcours des manifestations à Paris. Pire, les boutiques étaient ouvertes, les clients y faisaient leurs courses. La situation aurait pu dégénérer. Mais il n’y a eu aucune casse.

Jean : Pensez-vous que les routiers puissent rejoindre le mouvement en nombre ? Qu’en est-il des étudiants ?

Nous ne pouvons pas le dire à cette heure. Les « gilets jaunes » ont annoncé qu’ils recevraient aujourd’hui le renfort de chauffeurs routiers – ce qui constituerait un renfort stratégique. Pour l’instant, nous n’avons pas de nouvelles en ce sens, mais il faudra attendre la fin de la journée.

Quant aux étudiants – vous êtes plusieurs à poser la question –, aucun syndicat n’a appelé, pour l’instant, à se joindre au mouvement. Il n’est pas sûr qu’ils se retrouvent dans les mots d’ordres des « gilets jaunes » autour de la baisse des taxes en général et de la perte du pouvoir d’achat.

David M. : Après deux jours de mobilisation, des porte-paroles émergent-ils pour exprimer des revendications claires ?

Les « gilets jaunes » sont jusqu’ici assez attachés à l’idée de ne pas avoir de porte-parole, ou de « leader », et à présenter leur mouvement comme un mouvement « citoyen », « horizontal » et auto-organisé.

Cela dit, les organisateurs des points de blocage, ici et là, ont pu faire figure de leader samedi, comme le routier Eric Drouet, qui a lancé une initiative en Seine-et-Marne le 17 novembre. C’est aussi les média qui peuvent faire émerger des leaders en donnant la parole aux uns ou autres : ainsi Fabrice Schlegel, organisateur du blocage à Dole, dans le Jura, qui a un certain bagou, était présent dans de nombreux reportages télévisés.

Enfin, plus d’une centaine d’organisateurs de blocages sont en contact permanent par la messagerie instantanée de Facebook, Messenger, où ils discutent des mots d’ordres et des modes d’actions.

Blocage des routes par des « gilets jaunes », lundi 19 novembre,  près de la raffinerie de Fos-sur-Mer, dans les Bouches-du-Rhône. GERARD JULIEN / AFP

Roger Morzini : Existe-t-il un risque de voir d’autres corporations se mêler aux « gilets jaunes » : routiers, agriculteurs, cheminots… ?

Jusqu’ici, il n’y a eu aucun appel de représentants de ces corporations à rejoindre le mouvement. Les revendications très disparates des « gilets jaunes » pourraient les en dissuader. Reste à savoir si certains finiront par plaider une convergence des luttes.

Jules : Y a-t’il une corrélation entre les zones à forte densité de vote FN et les occurrences de barrages ?

Nous n’avons pas encore eu le temps de croiser finement la carte des barrages et la carte du vote du RN (Rassemblement national, anciennement FN). Mais ce que l’on peut dire, c’est que le mouvement a particulièrement pris dans des régions rurales et périurbaines, où il peut y avoir un vote RN important – même si, souvent, le premier parti dans ces zones est en fait l’abstention.

Il y a, dans la révolte des « gilets jaunes », un sentiment d’abandon de la petite classe moyenne qui a l’impression d’être le grand perdant des réformes, gagnant trop pour être aidé, ou être exempté de certaines taxes, mais trop peu pour vivre aisément. Le tout dans des territoires où les services publics se sont raréfiés, et où les gens ne voient plus la contrepartie du paiement de l’impôt.

Mais il serait très réducteur de penser que les « gilets jaunes » votent tous RN. Beaucoup partagent un rejet des politiques dans leur ensemble, et notamment de Marine Le Pen ou Nicolas Dupont-Aignan (Debout la France) qui, les premiers, ont paru vouloir récupérer le mouvement. Beaucoup de manifestants font partie de la France qui ne vote pas ou vote blanc. Il est donc impossible de savoir aujourd’hui comment ce mouvement pourrait se traduire électoralement.

Malo : Les « gilets jaunes » ont-ils un travail ou sont-ils tous des chômeurs ?

La plupart de ceux que nous avons rencontrés travaillent : livreurs, routiers, assistantes maternelles, aides-soignantes, saisonniers de la restauration, comptables… Ils sont plutôt issus des petites classes moyennes.

Axel : N’y a-t-il pas un risque de radicalisation du mouvement face au mutisme du gouvernement, sachant que les revendications des manifestants ne peuvent être satisfaites qu’avec une redistribution fiscale entre les plus riches et les plus pauvres ?

Il est très difficile de savoir comment va évoluer le mouvement. La multiplicité des revendications rend en effet la réponse du gouvernement très compliqué. Si tous revendiquent d’abord la baisse des taxes sur les carburants, et pas de nouvelles augmentations en janvier – mesures sur lesquelles le gouvernement jusqu’ici refuse de céder –, d’autres demandent le retour de l’ISF, la baisse des salaires des ministres et des députés.

Des revendications plus spectaculaires ont émergé, comme la suppression du Sénat et la mise en œuvre d’une « Assemblée citoyenne », dont les contours sont assez flous, et qui serait consultée sur toutes les lois votées par les députés. On voit mal, pour le moment, quelles réponses pourraient donner le gouvernement qui satisfassent l’ensemble des « gilets jaunes ».

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